Marcher sur les traces des bâtisseurs : itinéraires autour des capitelles et murs de pierre sèche en Vaunage

18/06/2025

La mosaïque minérale de la Vaunage : une mémoire de pierre

La Vaunage, entre Nîmes et Sommières, déploie un paysage où la pierre affleure partout. Depuis des siècles, hommes et femmes y ont bâti en harmonie avec les ressources locales, intelligemment, patiemment. Cette terre méditerranéenne, parfois âpre et exposée, a vu s’élever un patrimoine discret mais foisonnant : les murs de pierre sèche et les capitelles. Ces modestes constructions, fruits d’un savoir-faire transmis de génération en génération, constituent une véritable trame culturelle et écologique, bien plus qu’un simple vestige pittoresque.

  • Les murs de pierre sèche : Abris pour la faune, soutiens pour les cultures, marqueurs de territoire, ils couvrent aujourd’hui encore des centaines de kilomètres linéaires sur les collines et plateaux de garrigue (source : Parc Naturel Régional de Camargue, inventaire local).
  • Les capitelles : Ces cabanes voûtées, parfois cachées dans les pinèdes et les olivettes, servaient autant à la protection des paysans qu’au rangement des outils ou à l’attente du mauvais temps.

Un patrimoine reconnu, fragile et vivant

En 2018, la technique de la pierre sèche a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO (source : UNESCO). Sur le terrain, cette reconnaissance se traduit par de nouvelles dynamiques associatives et publiques en faveur de l’entretien, de la restauration, mais aussi de la compréhension de ces vestiges.

Circuler au gré des sentiers de Vaunage, c’est mieux lire les paysages et honorer ce patrimoine. Mais comment choisir les itinéraires qui révèlent vraiment la mémoire de la pierre ? Ci-dessous, une sélection de sentiers, repères pratiques et recommandations pour explorer avec respect et curiosité.

Quels sentiers de Vaunage racontent le mieux les pierres sèches ?

On recense plus de 450 capitelles dans la Vaunage, rien qu’autour de Calvisson, Sinsans, Langlade et Congéniès (source : Association Capitelles du Gard). Certains sentiers, jalonnés par ces traces du passé, permettent d’observer une diversité impressionnante de techniques et de situations. Focus sur quatre itinéraires qui font le lien entre nature et histoire.

1. Le sentier des Capitelles de Calvisson

  • Départ : Parking du Bois des Lens, sur la D40, à l’ouest de Calvisson.
  • Distance / Dénivelé : 7 km boucle / 120 m de dénivelé.
  • Intérêt : C’est l’un des parcours les plus riches en nombre de capitelles, près de 30 structures sont accessibles, du simple abri à la grande cabane circulaire. On longe des restanques et un patchwork de garrigues et de vignes.

Quelques capitelles sont signalées par des panneaux explicatifs installés par la commune. Les sentiers sont bien entretenus mais pierreux, prévoir de bonnes chaussures, surtout après la pluie (risque de glissade).

  • Pour aller plus loin : En automne, observer la richesse fongique (camarins, bolets) et écouter le brame du cerf sur le causse voisin. Respectez le calme, n’ouvrez pas les portes des capitelles sans raison.

2. Le plateau de Pinsans à Langlade : entre murets et vues panoramiques

  • Accès : Départ possible depuis l’église de Langlade ; gravir vers le nord par le “chemin de la Roche” pour atteindre le plateau.
  • Distance / Dénivelé : 6,5 km A/R, faible dénivelé.
  • Particularité : Sur ce plateau, les murs épousent le relief pour former d’anciens enclos à moutons (clapas), des restanques, et des alignements de “banquettes”.

Ce site est remarquable au printemps pour ses orchidées sauvages (ophrys, serapias), qui trouvent refuge au pied des murets. Quelques raretés entomologiques sont signalées, telle que la mante religieuse ou certaines cicindèles (coléoptères rares de garrigue).

  • Conseil : Evitez de marcher sur les murs pour ne pas les éroder. La cueillette d’orchidées est interdite (espèce protégée en Occitanie).

3. Circuit de la Peirière à Saint-Dionisy - la pierre et l’eau

  • Départ : Parking du stade, boucle par le chemin du Vistre et la Peirière.
  • Distance : 5,5 km boucle.
  • Atout : La jonction entre secteurs agricoles et anciennes carrières offre l’occasion de lire la géologie : des murets soulignent des anciennes terrasses, on croise parfois des bornes de meunier (anciennes mesures agraires implantées dans la pierre !).

Niché dans une courbe de la rivière Vistre, ce secteur abrite aussi quelques très vieux oliviers supportés par des restanques. Les crapauds calamites (Bufo calamita) fréquentent les fossés humides du printemps.

  • Attention : Après de fortes pluies, certains passages peuvent devenir boueux. Pensez aux bâtons de marche.

4. De Congéniès à la carrière de Junas par le chemin des Mourgues

  • Point de départ : Parking à l’entrée Sud de Congéniès, direction Junas.
  • Distance : 9 km (possibilité de raccourcir à 5km pour l’aller simple jusqu’aux anciennes carrières et retour par le même chemin).
  • Anecdote : Le “chemin des Mourgues” était emprunté par les carriers, paysans et troupeaux. Le sentier, creusé par les passages répétés, présente parfois des murs de soutènement parfaitement restaurés par les bénévoles locaux (source : commune de Congéniès).

En hiver, on y observe le ballet des palombes (Columba palumbus) et, aux abords des murs, quelques lézards ocellés. Arrivée possible sur le site spectaculaire des anciennes carrières de Junas, où la verticalité de l’extraction rejoint l’horizontalité patiente des murets.

  • À noter : Risque de croiser les engins forestiers hors saison touristique : restez sur les tracés balisés.

Pourquoi ces paysages de pierres demeurent-ils précieux ?

Au-delà de leur poésie, les pierres sèches abritent une biodiversité insoupçonnée. Les joints et cavités sont autant d’abris pour les lézards (notamment le lézard des murailles, Podarcis muralis), les chauves-souris (pipistrelle commune), les insectes et même certaines plantes rares, telles que la fougère de rue (Asplenium ruta-muraria).

D’un point de vue hydraulique, le ruissellement est ralenti par l’enchevêtrement des pierres, limitant l’érosion des sols en plein cœur des garrigues fragiles (Fédération Française des Professionnels de la Pierre Sèche). En Vaunage, plusieurs études universitaires soulignent que le maintien des murs et capitelles réduit localement les coulées de boue lors d’orages méditerranéens.

Les bons gestes pour explorer sans abîmer

  • Ne pas s’appuyer, ni grimper sur les murs ou capitelles, même si cela semble solide : la stabilité est toujours précaire.
  • Ne pas déplacer de pierres, car cela peut déranger des espèces protégées ou fragiliser la construction.
  • Participer à des chantiers de restauration : plusieurs associations locales (ASSCIS, Amis des Capitelles) organisent des journées ouvertes au public. Renseignez-vous auprès des mairies ou via le collectif des Capitelles du Gard.
  • Préférer la découverte aux heures creuses (matin tôt, fin d’après-midi), pour profiter du calme, écouter les oiseaux (huppe fasciée, bruant zizi) et réduire l’impact sur la vie sauvage.
  • En période estivale, respectez les restrictions d’accès liées au risque incendie.

Repères historiques et cartographiques (encart contributif du collectif Terres de Vaunage)

  • Âge moyen des capitelles : Les plus anciennes datent du XVIIIe siècle, la majorité des vestiges visibles aujourd’hui ont été bâtis entre 1850 et 1920, lors du grand morcellement des terres après la Révolution française (source : L’inventaire du bâti rural en Vaunage, C. Rousset, 2014).
  • Typologie : Capitelles circulaires, à base carrée ou “trilithes” très rares (deux pierres verticales, une horizontale). Plusieurs variantes d’étagement des voûtes encorbellées.
  • Cartographie : Les cartes IGN série bleue signalent encore certains ensembles de capitelles et murs mais pas toujours l’intégralité — penser à consulter les données ouvertes du Géoportail et les inventaires des associations locales.
  • Age des murs : Certains linéaires remontent à l’époque romaine ou médiévale tardive, mais la plupart ont été érigés pendant la “révolution vigneronne” (fin XIXe).

Pour continuer le voyage : lecture, balades et partage

  • Ouvrages recommandés :
    • La Pierre sèche en Vaunage et en Languedoc, collectif Vaunage Terre d’Histoire
    • Capitelles du Gard et d’ailleurs, revue locale annuelle (consultable à la bibliothèque de Calvisson)
  • Applications utiles : “Sentiers de Vaunage” (application en cours de développement par la Communauté de Communes pour localiser les capitelles et sentiers, à suivre sur le site de la Communauté de Communes du Pays de Sommières).
  • Activités à vivre : Randonnées crépusculaires, ateliers pierre sèche, balades ornithologiques en lien avec la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO Gard).

Perspectives et transmissions à venir

Cheminer parmi les capitelles et les murs de pierre sèche de la Vaunage, c’est renouer avec la patience des anciens, découvrir une biodiversité singulière, et comprendre le rôle vital que joue ce patrimoine quotidien. Chaque caillou empilé raconte une parcelle de vie, d’effort et d’ingéniosité paysanne. La préservation et la valorisation de ces paysages sont essentielles à l’équilibre du territoire.

Dans les mois à venir, plusieurs sentiers d’interprétation devraient voir le jour, mêlant panneaux pédagogiques et signalétique respectueuse — n’hésitez pas à signaler vos coups de cœur ou à partager d’autres circuits pour compléter la carte sensible des pierres sèches en Vaunage.

Rendez-vous pour une prochaine balade thématique ou pour un chantier participatif, quand le soleil créera ces ombres si nettes sur la pierre et que le vent portera, entre deux murs, la mémoire silencieuse de tout un pays.

En savoir plus à ce sujet :